race : Dhampir ayant fui ses responsabilités, enfant capricieuse coincée dans un corps d’adulte. date et lieu de naissance :  née un douze Janvier parfaitement banal, de l’année 1993, sur le sol américain. la ville de Drovkova Creek l’a vue naître, grandir et finalement, entamer sa longue descente aux Enfers. âge : en début d’année, la jeune femme a fêté son vingt-et-unième anniversaire. un pas de plus hors du carcan de l’adolescence et pourtant, c’est comme si une partie d’elle persistait à rester cette gamine insolente et avide de liberté. nationalité et origines : pur produit américain, même si ses prénoms possèdent des connotations anglaises à cause d’une lubie de sa mère. situation amoureuse :  officiellement célibataire, officieusement vôtre pour une somme suffisante d'après les rumeurs. mais il est plus probable qu'elle vous crache au visage si vous tentez de l'acheter. traits de caractère : autodestructrice, bavarde, caractérielle, colérique, courageuse, curieuse, dépendante, endurante, fière, franche, idéaliste, impulsive, intéressée, jalouse, loyale, malheureuse, mystérieuse, passionnée, possessive, sauvage, souriante, séductrice, susceptible, volage.

statut professionnel : pendant longtemps, elle a vécu de petits jobs sans importance, serveuse ici, coursier là-bas, barmaid et trafics mineurs en tout genre. elle prenait ce qu’on lui proposait, sachant pertinemment qu’elle n’avait aucune certitude quant au lendemain. mais il y a un mois, la condition d’Erin a changé de façon drastique. aujourd’hui, c’est une Blood Whore qui se déteste, une catin qui se méprise et qui se perd pourtant dans les bras d’un Moroï marié, qui éprouve pour elle autant d’affection que de haine. au moins, on peut dire qu’ils se sont bien trouvés. taille :1m63. poids :56kg. agilité :■■■■□□ puissance :■■□□□□ rapidité :■■■■■□ technique favorite :pour tuer un strigoi : puisqu’elle manque de force, Erin a toujours fait en sorte de frapper la première et de porter des coups décisifs, d’où l’utilisation de pieux en argent. elle visait le cœur, elle savait qu’elle n’aurait probablement pas de seconde chance si elle se retrouvait face à l’un de ces monstres. connaissance des strigoï : sa connaissance des Strigoï est limitée à celle dispensée par l’Académie et ses professeurs. par les on-dit et les vidéos. elle n’a jamais rencontré personnellement un membre de cette race et cela lui convient parfaitement ainsi. ils la répugnent et la terrorisent bien qu’elle s’en cache. nombre de strigoï tués (et de molnija/zvezda) :aucun, zéro, nada, peanuts.

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⊹ II. BLOOD IS FAMILY (QUESTIONNAIRE) ⊹

Honnêtement, elle vous pompe l'air, Tatiana Ivashkov ? Vous partagez ses idées ?
« Honnêtement ? Oui. Les Moroï en général me pompent l’air. Ces royaux qui pensent que tout leur est dû, qu’ils n’ont qu’à bouger le petit doigt pour qu’un Dhampir se jette à leurs genoux. Il est temps que les choses évoluent ! Ne remarquent-ils pas que le monde a changé pendant qu’ils continuaient à vivre en monarchie ? Tatiana et ses beaux discours sur les droits et les convenances, tout ça me donne envie de gerber. C’est pour ça que je suis partie, pour ça et parce que je n’avais aucunement envie de brusquement me retrouver liée avec un Moroï hautain et manipulateur – vous remarquerez à quel point j’ai foiré sur ce point. Ma vie n’appartient qu’à moi et si je le pouvais, je la vivrais loin des Moroï et des Strigoï. Néanmoins, à mon grand regret, c’est impossible. Je suis liée aux premiers et les seconds n’hésiteraient pas à me tuer par simple plaisir. Alors autant rester là où les Dhampirs pullulent, c’est plus sûr. ».

Quelles sont vos relations avec les autres dhampirs ? Et avec les Moroï ?
« Avant d’être mordue, avant d’être catégorisée comme une Blood Whore, j’étais déjà en marge. Pas parce que ma mère en était une, bien que ce fait ne soit probablement pas étranger à la chose, mais parce que j’avais refusé de devenir une Gardienne. J’avais envoyé balader la raison de vivre des Dhampirs et, ce faisant, bafoué les anciennes traditions. Beaucoup de Moroï de l’académie me donnaient déjà des envies de meurtre, alors il me semblait évident que je ne pouvais pas rester pour me faire confirmer et me retrouver à devoir supporter l’un d’entre eux au quotidien. J’aurais fini par faire le travail d’un Strigoï et malgré mon sale caractère, le meurtre n’est clairement pas dans mes habitudes. Alors, concrètement, mes relations dépendent des opinions des autres. Il y en a qui acceptent, d’autres qui trouvent ça aberrant. De mon point de vue, tant qu’on me laisse tranquille, j’y trouve mon compte. »

Quelle a été votre réaction suite au massacre ? Faites-vous partie d'un groupe en particulier ?
« Le massacre d’Allentown, hein ? C’est horrible à dire, mais il fallait s’y attendre. Confier des gamins riches et égocentriques à la garde d’autres gamins paumés et dévoués à leur bon plaisir… Le décret de Tatiana n’a fait que précipiter les choses. Envoyer des Dhampirs de seize ans surveiller de jeunes adultes habitués à faire tout ce qu’ils veulent ? A obtenir tout ce qu’ils veulent ? Et puis, les sortir plus tôt de l’académie, était-ce vraiment une bonne chose ? Ce n’est pas pour rien qu’on nous forme, qu’on nous entraîne pendant aussi longtemps. Les Strigoï sont des monstres, des machines à tuer, littéralement. Ce massacre est la faute de Tatiana ; c’est la faute de ces Moroï insouciants. Alors oui, j’ai rejoint la Résistance, parce qu’il me semble qu’il n’y a qu’eux qui songent au futur de notre race. Nous ne pourrons pas assurer indéfiniment la pérennité des Moroï, parce que nous-mêmes sommes en très mauvaise posture. Mais c’est le désastre du 28 Novembre qui m’a forcée à me prendre en main, à décider ce que je voulais vraiment faire. Fuir le devoir de Gardienne n’était pas suffisant à mes yeux. Je ne sauvais ainsi que ma propre peau. Et les autres ? Je ne compte pas les Gardiens plus âgés que moi, eux ont déjà fait leur choix, mais les jeunes ? Ces ados à peine sortis de l’enfance, qui jouent au dur et qui vivent par le crédo « They come first » ? Ce n’est pas une vie. Ce n’est qu’une bataille constante et une survie. Les Moroï méritent-ils vraiment notre dévotion ? Qu’ont-ils fait pour nous ? Se battent-ils pour nous ? Non. Ils s’amusent à leurs belles réceptions, se complaisent dans leur richesse, jouent à qui pourra avoir le trône et se terrent. Aucun d’eux n’aurait valu le sacrifice d’un de ces jeunes Dhampirs. Aucun. »


⊹ III. BLOOD IS PAIN (HISTOIRE) ⊹

Il existe des moments dans notre existence qui sont décrits comme décisifs. Ce sont eux qui façonnent les chemins de notre vie, eux qui déterminent qui de l’ange ou du démon emportera notre âme à la fin. Pendant longtemps, Erin a pensé que ce n’était que des imbécilités de philosophes ivres, que des divagations dont on se servait pour expliquer des actes irréfléchis et illogiques. Puis elle a vécu l’un de ces moments ; le temps s’est arrêté entre deux respirations saccadées, lui laissant amplement le loisir de songer à la direction que prenait cette bouche et au contact des canines effilées contre sa gorge. Aurait-elle pu le repousser ? En avait-elle seulement envie à cet instant ? Qu’importe sa faiblesse, le moment avait eu lieu et il était passé en un souffle. De simple Dhampir entêtée et rebelle, elle était devenue quelque chose d’avilissant et pour lequel elle n’avait que du dégoût. Elle était devenue ce que le jargon qualifie de Blood Whore, de Catin Rouge, soit une femme qui offre à la fois son corps et son sang à un Moroï. Elle était devenue comme sa mère.

Erin Jensen, la Blood Whore.
La somptueuse déchéance.
La parfaite Chute.
Quelle ironie.


Seize ans. Seize ans et déjà une étonnante aptitude à emmerder son monde, à ne rien faire comme les autres et à porter au bout de ses lèvres pleines cette esquisse de sourire insolent, cette moue exaspérante et diablement efficace pour faire sortir de ses gonds son interlocuteur. Seize ans de révolutions et de conflits. Aujourd’hui encore, Erin tempêtait contre les décisions de sa mère qu’elle lui imposait comme elle lui ferait des faveurs. St-Vladimir, disait-elle, c’est là ta place ; tu ne sais pas la chance que tu as ! Tu ne comprends pas ce que ça signifie. Et elle ne voulait pas comprendre, l’adolescente rebelle. Les bras croisés sur sa poitrine, elle fronçait des sourcils en haussant le ton, comme si elle espérait ainsi faire valoir son avis sur celui de sa génitrice. Dans la pièce, sa sœur aînée, fidèle Gardienne depuis des années, posait sur elle un regard déçu. Qu’espérait-elle ? Qu’elle devienne comme elle ? Qu’elle suive ses traces tel un chien domestiqué auquel on aurait appris à faire des tours ? Elle n’était pas faite pour être Gardienne, pas plus qu’elle ne se sentait prête à endosser la responsabilité d’une autre vie que la sienne.

« Erin, maman a raison. C’est un honneur de servir ton Moroï, les Moroï. Ce n’est pas aussi désagréable que tu sembles le penser, la plupart…
- La plupart sont des égocentriques qui pensent pouvoir tout acheter avec le pouvoir ou l’argent, la plupart sont tellement bouffis d’orgueil qu’ils seraient capables de s’étouffer avec ! » Elle balaya les paroles de sa sœur d’un geste ample du bras. « Et c’est ce que je leur souhaite, à tous ! Qu’ils s’étouffent. Je ne veux plus suivre ces cours. Je ne veux pas devenir Gardienne.
- Et qu’est-ce que tu feras, alors ? »

Le regard de sa mère était posé sur elle, ses prunelles sombres la dévisageant avec rancœur. Elle osa un sourire moqueur en coin de lèvres.

« Ne me dis pas que tu veux devenir comme moi ? Je pensais que ça te révulsait.
- C’est toujours le cas. »

Comme en réponse à son air dur et froid, la femme pencha légèrement la tête sur le côté en laissant glisser ses doigts sur la chair fine de son cou. Combien de crocs avaient mordu cet endroit ? Combien de Moroï s’y étaient abreuvés ? Combien ? Est-ce que l’un d’entre eux était son père ? Bien sûr, c’était évidemment le cas. Mais lequel ? Avait-il plus compté que les autres ? Prise d’un excès de rage, Erin se releva brusquement de sa chaise pour faire les quatre cent pas dans le salon. Où qu’elle posa les yeux, les mots Blood Whore venaient brûler sa rétine. Sa famille vivait dans l’opulence grâce au mode de vie de sa mère, qui n’hésitait pas à demander de l’argent à ses clients. C’était un acte assez mal vu en général, les échanges de sang, mais ça rapportait suffisamment pour élever trois enfants et avoir un train de vie satisfaisant. Néanmoins, elle avait tout fait pour éviter à sa progéniture cette voie en les envoyant à St-Vladimir et en leur inculquant personnellement certaines valeurs Dhampir. Visiblement, elle n’était pas parvenue à grand-chose avec sa dernière-née car elle s’obstinait à rejeter en bloc tout ce qu’elle voulait lui transmettre. Récemment, elle s’était même mise à refuser d’utiliser son argent. Elle disait qu’il baignait dans son sang et qu’elle n’en voulait plus. Erin…

« Je m’en vais. »

Les deux aînées relevèrent brusquement le regard vers elle.

« Où ça ?
- Ailleurs. Je quitte l’Académie et la maison. Je ne veux plus rien avoir à faire avec ça. Je ne veux ni être Gardienne, ni devenir comme toi. Je veux autre chose, ma propre vie. Mon indépendance. »

Quelque chose dans les prunelles de l’adolescente terrorisait sa mère. Elle était sérieuse cette fois, ce n’était pas qu’un coup d’éclat pour faire entendre son opinion. Elle était férocement déterminée à mener à bien ce qu’elle disait, qu’importait le prix de sa décision. Ébranlée par la conviction qu’elle lisait dans ses yeux, elle se leva à son tour pour l’affronter.

« C’est n’importe quoi, Erin ! Tu ne partiras pas ! Tu n’iras nulle part !
- Et pourquoi pas ? Qu’est-ce qui m’en empêcherait ? Toi ?
- Je suis ta mère ! Et tu n’as que seize ans, que comptes-tu faire seule ?!
- Je trouverais bien. »

La lueur de défi qui dansait dans ses iris, le pli provocant de sa bouche, ce léger haussement de sourcils qui disait presque « arrête-moi si tu peux. » De qui tenait-elle cette arrogance ? Sûrement pas d’elle. Sa fille aînée appuya son front contre la paume de sa main en baissant la tête, marmonnant quelque chose à propos de leur frère. S’il n’avait pas été retenu ailleurs, il aurait sûrement su trouver les mots pour raisonner cette tête de mule indisciplinée. Il était le seul auprès duquel elle se montrait douce et enfantine. Mais ses devoirs de Gardiens le forçaient à s’absenter et malheureusement, sa désertion allait leur coûter Erin.

« En attendant, j’irais dormir chez Clarisse. »

Les mots flottèrent dans l’air. L’adolescente fit quelques pas vers la porte, posant sa main sur la poignée en se préparant à affronter le déluge de rage de sa mère. Pourtant, à son grand étonnement, rien ne vint. Lorsqu’elle finit par jeter un dernier regard en arrière, elle eut la surprise de voir sa génitrice l’observer avec un demi-sourire.

« Tu reviendras. Erin, nous sommes ta famille et tu le sais. Ce comportement ne t’amènera nulle part.
- Vraiment ? C’est ce qu’on verra, maman. »

Et dans un dernier défi, elle quitta la pièce en tentant d’apaiser les battements trop rapides de son cœur. Elle voulait faire preuve de maturité, donner l’impression qu’elle savait où elle allait et que ses décisions n’étaient pas prises sur des coups de tête. Alors que c’était entièrement le cas. Sa vie était rythmée par des pulsions, des idées, un rien qui la poussait dans une direction plutôt que dans l’autre. Elle ignorait ce qu’elle pourrait trouver comme travail qui lui permettrait de se payer un appartement ou même à manger. Les parents de Clarisse l’hébergeraient probablement pendant quelques temps, mais après ? Elle ne pourrait pas vivre chez eux indéfiniment. Pourtant, alors même que cette constatation la frappait de plein fouet, Erin se rendait compte qu’elle ne reviendrait pas en arrière. Elle avait pris sa décision, parce qu’elle était intimement persuadée du bien-fondé de cette dernière. Elle n’était pas une Gardienne. Elle n’était pas une Blood Whore. Rien ne pourrait jamais la forcer à emprunter l’une de ces voies. Rien, ni personne.


Et puis, comme ça, sa vie avait repris son cours presque normal. La famille Walgrave l’avait hébergée durant plus de deux années, s’offrant par cet acte sa reconnaissance éternelle et son amitié durable. Erin n’était pas restée totalement inactive, elle avait rapidement entrepris des recherches jusqu’à tomber sur des petits boulots de quelques semaines qui l’aidaient à payer sa part dans la maison tout en s’offrant de légers bonus à côté. Ce n’était pas vraiment glorieux comme aurait pu l’être un travail de Gardien, mais ça lui suffisait. Elle n’avait plus eu de contacts avec sa mère et sa sœur suite à leur dispute, toutefois son frère lui rendait souvent visite et à ses yeux, il était le seul digne de son affection. Extérieurement, elle donnait l’impression de s’en sortir avec brio, d’être parvenue à s’éloigner de l’influence de la communauté Dhampir de Blood Whores, d’avoir forgé sa propre destinée. Cependant, intérieurement, c’était une toute autre histoire. Elle avait des périodes de doutes, durant lesquelles elle se demandait combien de temps elle pourrait encore s’en sortir, combien de temps elle pourrait supporter de vivre aux crochets de personnes aussi aimables que les parents de Clarisse, combien de temps elle pourrait se voiler la face ? Elle qui rêvait d’indépendance, elle semblait vouée à s’enfoncer dans des spirales infernales où elle ne faisait finalement que de dépendre de l’un ou de l’autre. De sa mère, des Walgrave, d’un futur incertain.

Ce n’est que six mois plus tard qu’elle dégota son premier véritable travail, bientôt suivi par d’autres – parfois moins légaux, mais ils payaient bien et c’était le principal. Erin s’offrit son premier appartement, toujours à Drovkova Creek parce que c’était le seul endroit où elle se sentait véritablement en sécurité par rapport aux Strigoï – nulle envie de tomber sur l’un d’eux sans pouvoir faire appel à d’autres Dhampir pour lui venir en aide. 2011 passa comme une comète, seulement marquée par le décret de la Tatiana, comme elle aimait l’appeler avec un sourire fugace, pour les Dhampyr, qui la conforta dans l’idée qu’elle avait bien fait de leur tourner le dos pour faire sa propre vie. A quoi ça rimait, d’envoyer des gamins à l’abattoir pour protéger des gosses de riches pas fichus d’apprendre à se servir de leurs pouvoirs de manière offensive ? Ou même à se payer des cours d’auto-défense, pour le bien que ça leur ferait ! Puis vint 2013 et son massacre, année durant laquelle elle s’efforça de contacter les bonnes personnes afin d’entrer dans la Résistance. Terminés les doutes, il fallait prendre les décisions qui s’imposaient avant que sa race toute entière ne périsse à la protection des Moroï. Forte de sa nouvelle résolution, Erin entreprit une nouvelle année avec la certitude que plus rien ne pourrait l’arrêter. Elle était sur la bonne voie. Elle le sentait.

Le Bloody Stake était un endroit qu’elle s’efforçait d’éviter, sauf lors de soirées où elle lâchait subitement la bonde à… à tout. Ces rares fois où elle osait se servir de son charme sans songer à l’image qu’elle renvoyait aux autres, où elle ne pensait plus à la Résistance ou au problème Moroï, ces exceptions qui l’aidaient à supporter son quotidien et qui finirent par la pousser dans les bras d’un homme. Dans les bras de sa perdition personnifiée. Nazar avait autrefois été son professeur d’histoire à St-Vladimir, il était beau, il avait un charisme impressionnant et surtout, il était un Dhampir de sang royal. Alors, évidemment, elle l’avait toujours méprisé. Dévoré du coin des yeux, bien sûr, mais méprisé pour ce qu’il représentait. Néanmoins, ce soir-là, elle n’avait pas eu la force de résister à l’appel de son regard. Ce soir-là, quelque chose avait changé entre eux, mêlant à leur relation froide l’essence de la passion. D’où venait l’erreur ? De lui ou d’elle ? D’eux, tout simplement ? Les questions et les remords étaient venus plus tard, une fois l’excitation du moment passée. Alors que le feu de leur étreinte se transformait en braises éparses, elle s’était rendue compte du crime qu’elle venait de commettre et des conséquences qui en découlerait. Plus que l’acte charnel, c’était la marque de ses crocs qui la faisait se sentir sale et coupable. Et à peine avait-elle effleuré les plaies laissées sur son cou qu’elle avait compris qu’il la tenait en son pouvoir. Elle n’avait qu’à fermer les yeux pour se souvenir de la douce libération qui l’avait envahie dès qu’il l’avait mordue et un instant de plus pour désirer qu’il le fasse à nouveau. En un rien de temps, il l’avait envoûtée, enchaînée, privée de son indépendance. Cela, Erin ne l’avait réalisé que quelques jours plus tard, lorsqu’il était venu la trouver au Bloody Stake pour les mêmes raisons que la première fois. Et malgré son intention de le repousser, elle s’en était montrée incapable. Son toucher brûlant, cette façon qu’il avait de poser les yeux sur elle jusqu’à laisser son regard couler sur sa carotide. Il ne lui laissait pas le choix. Elle était faible, si faible face à lui, qu’elle en vint à le détester. Ce n’était plus juste un mépris lointain, mais une véritable haine nocive et bien ancrée en elle. Une haine qui fondait subitement dès qu’il approchait ses lèvres de son cou, dès qu’il frôlait la peau fine et qu’il la mordait. Dans ces instants, elle cessait d’exister. Elle cessait d’être Erin, pour n’être que la source enivrante dont il avait besoin, pour être le calice dans lequel il s’abreuvait avant de retourner auprès de sa femme. Sans plus de considérations. Sans un mot d’excuse. Et une fois qu’elle avait repris ses esprits, elle s’éloignait, chancelante, en maudissant son nom et en souhaitant qu’il crève de la main d’un Strigoï. Où était passée l’enfant solitaire et renfermée de St-Vladimir, celle qui avait bataillé contre sa mère pour obtenir sa liberté ? Celle qui souriait devant les films à l’eau de rose qui parlaient de grand amour et qui se plaisait, un peu naïvement, à espérer qu’un jour elle vivrait le même genre d’histoire ?

Elle était si loin à présent. Si loin qu’elle disparaissait chaque jour davantage. Finirait-elle par ne plus être ? Sa relation avec Nazar n’avait rien de magique ou de beau, elle était dévastatrice et répugnante. Elle était faite de sang et de perdition. Pendant les moments de faiblesse, ces moments où il s’abreuvait d’elle, une infime partie d’Erin se demandait s’il pouvait y avoir plus. Elle avait entendu des histoires de Blood Whores finissant par trouver un Moroï sincère et aimant, qui les tirait de leur vie misérable en leur offrant ce qu’elles n’auraient jamais espérer avoir : de l’amour. Mais Nazar en était incapable, et cette certitude se faisait plus douloureuse à chacun de ses départs. Il avait son épouse, la sublime Deliah, l’inatteignable et mystérieuse galeriste, la mère de son unique fils. Que pourrait-il vouloir de plus qu’elle ? Du sang, évidemment. Et cela, il pouvait l’obtenir d’Erin, parce qu’elle était devenue accro à ses morsures et dépendante de ses visites impromptues. Dès qu’elle apercevait sa silhouette dans le lointain, un déluge de sentiments contradictoires se créait en elle ; la colère, la répulsion, le désir, l’attente. Dans ses mots pleins de défis, il devait aisément lire ceux qu’elle retenait au plus profond d’elle-même : mords-moi, encore, plus fort, reste. Et elle avait beau se débattre de toutes ses forces, lui rire au nez, le provoquer, il ne restait subitement plus rien dès qu’il approchait sa bouche trop près de sa gorge. Tout son univers volait en éclats. Tout, y compris elle-même. Se reconstruire après ça était difficile, toujours un peu plus, et elle craignait qu’un jour elle n’y parvienne plus. Qu’elle soit incapable de se relever, incapable de redresser la tête, incapable de prétendre encore que tout allait bien et qu’elle avait une chance de s’en sortir. Elle était liée à cet homme, pour le pire et pour le sang.


Recroquevillée dans un coin du lit défait, elle avait collé ses genoux contre sa poitrine en nouant ses bras autour de ses jambes, dans un simulacre d’étreinte. Dans l’espoir que cela suffirait à remplir le trou béant près de son cœur. Un fin filet de sang avait séché sur son cou, dernier vestige d’une nuit passée à se damner un peu plus. Elle ne se souvenait plus très clairement des évènements qui avaient suivi la visite de Nazar, tout était indistinct, brouillé. Rien n’avait d’importance au final, si ce n’était le sentiment de vide qu’elle avait ressenti, le manque qui avait déchiré ses entrailles quelques temps plus tard. Elle en voulait encore, un peu plus, toujours plus. Elle avait besoin de le sentir près d’elle, de savoir qu’il avait besoin d’elle, même si c’était faux, même si c’était malsain. La sensation de plaisir et de bien-être stimulée par la morsure avait de sérieux effets secondaires sur elle, qui se résumaient finalement en un seul mot qu’elle refusait tout bonnement de prononcer. Elle pensait qu’ainsi, peut-être, elle parviendrait à se défaire de son emprise afin de redevenir elle-même.

Ses longs cheveux bruns entouraient son visage plus pâle qu’à l’accoutumé, aux traits toutefois harmonieux et attirants. Dans son malheur, elle était belle, l’enfant rebelle. Même lorsque les larmes amères roulaient sur ses joues encore arrondies par l’enfance, même lorsqu’elle se haïssait pour ce qu’elle venait de faire. La colère dans ses yeux, la répulsion qu’on pouvait y lire, n’enlevait rien à la douceur du dessin de ses lèvres pleines. C’était sans doute pour cela que le Moroï revenait auprès d’elle, parce que tant qu’elle ne serait pas brisée à l’extérieur, elle serait toujours aussi appétissante. Délicieuse. Savoureuse. Elle resserra la prise de ses bras en enfonçant pratiquement ses ongles dans sa chair, sans une grimace de douleur.

Quelqu’un frappa à la porte d’entrée, mais elle n’eut pas la force de relever la tête. Ce n’est pas encore l’heure, songea-t-elle avec lassitude. Je n’ai pas terminé de me reconstruire, alors qui que vous soyez, allez-vous-en. Quelques secondes plus tard, alors qu’elle fixait vaguement son reflet dans le miroir suspendu en face d’elle, une clef tourna dans la serrure et quelqu’un pénétra dans l’appartement. Non sans mal, elle se rappela que la seule personne à posséder un double était son frère, soit aussi la seule personne qu’elle aurait désiré éviter à cet instant. Elle ne voulait pas qu’il la voit dans cet état, affaiblie, hagarde, perdue. Comme sa mère l’était souvent. Comme une Blood Whore. Elle avait espéré parvenir à se détacher de Nazar rapidement, mais le mois était passé sans qu’elle ne s’en rende compte. Erin s’immobilisa dans sa position, se persuadant que si elle ne faisait pas un bruit, il repartirait sans savoir qu’elle était là. Pendant une poignée de minutes, sa ruse marcha. Puis sa silhouette dissimula la lumière du couloir et elle sut que ç’en était terminé d’elle.

« Erin ? » Il attendit une réponse qui ne vint pas et reprit, d’un ton plus inquiet et doux. « Erin, qu’est-ce qui t’arrive ? »

Son pas, étonnement léger pour sa carrure, mais néanmoins audible, annonça à la jeune femme qu’il se rapprochait. Elle étouffa un gémissement contrit en dissimulant son visage entre ses genoux. Elle ne voulait pas qu’il comprenne en voyant les cernes sous ses yeux, l’éclat maladif de sa peau ou la pâleur de ses lèvres. Or, elle se sentait si faible qu’elle se savait incapable de résister à un interrogatoire. Son ample tee-shirt étiré à l’extrême, elle patientait en regrettant de ne pas avoir passé une tenue plus convenable. Il savait pourtant que dès qu’elle mettait ce vêtement quelque chose n’allait pas. Elle ne comptait plus le nombre de fois où il l’avait tirée de son lit pour la forcer à venir manger des pop-corn en sa compagnie devant un film idiot. Le panda sur son tee-shirt avait des couleurs délavées et des craquelures un peu partout, mais c’était ses grands yeux noirs qui lui avaient plu lorsqu’elle était enfant. Depuis, elle ne s’en était jamais séparée.

« Hum, ça faisait longtemps que je ne t’avais pas vu le porter. Qu’est-ce qui ne va pas ? Er… Tu saignes. »

La constatation la frappa de plein fouet. Il avait aperçu la traînée de sang laissée par la morsure. Il savait, à présent.

« Oh, Erin… »

En un rien de temps, il fut près d’elle, entourant ses épaules de ses bras en l’incitant à poser sa tête contre son torse. Elle puisa dans sa chaleur la force d’esquisser un sourire qui sonnait creux.

« Pitoyable, pas vrai ?
- Ne dis pas ça. Ce n’est pas… Ce n’est pas si grave. » Devant son silence, il serra les dents en la berçant tendrement, effleurant son front de ses lèvres. « J’aurais dû le savoir.
- Tu n’aurais pas pu. Je te mentais et je t’évitais.
- Qui c’est ?
- Tu ne veux vraiment pas savoir. »

Il mourrait d’envie de lui affirmer que c’était le cas, mais ils connaissaient tous les deux la vérité. S’il se montrait plus conciliant que leur sœur au sujet du rôle de Gardien, il n’en demeurait pas moins certain de la légitimité de ce devoir. Il était même persuadé de faire le bien, de servir la cause commune, d’être quelqu’un. Il avait respecté le choix d’Erin de faire sa propre route parce qu’il l’aimait plus que tout, mais à la voir ainsi, il se demandait s’il n’aurait pas mieux fait de rejoindre l’avis de sa mère. Puis, aussi vite que cette idée était venue, il la repoussa. Erin n’était pas leur mère, elle avait plus de volonté et elle parviendrait à se sortir de cette impasse. Aussi dévastée soit-elle, il savait qu’elle saurait se relever. Dans le cas contraire, il se jura de confronter le Moroï qui l’avait mise dans cet état… Même si cela ne servirait probablement pas à grand-chose.

« Tu veux que j’aille louer un film ? Celui qui te ferait plaisir. Même une de tes histoires complètement farfelues et impossibles.
- Je ne pense pas en avoir envie ce soir. Pas l’un de ceux-là, en tout cas.
- Lequel, alors ?
- Peut-être un film d’horreur, ou quelque chose de très différent d’une histoire d’amour. Un de tes trucs avec des soldats machos et autoritaires, si tu veux. »

Elle savoura le léger rire qui résonna dans la cage thoracique de son frère. Erin prit une lente inspiration qui la laissa tremblante et vacillante.

« Je vais voir ce que je trouve. Ne mange pas tout le pop-corn pendant que je ne serais pas là, pas comme la dernière fois.
- J’avais treize ans, combien de temps est-ce que tu vas me le reprocher ? »

Elle fit mine de s’indigner, même si le cœur n’y était pas tout à fait. Fort heureusement, il la connaissait suffisamment pour jouer le jeu malgré tout.

« Autant de temps qu’il le faudra. Il faut bien que je taquine ma petite sœur, c’est ce que font les grands frères tu sais. »

Puis, plaquant un baiser sur son front, il lui donna une dernière étreinte avant de l’éloigner doucement. L’espace d’un instant, leurs regards se croisèrent et elle fut frappée par l’affection qu’elle y lisait. Cet amour était pour elle, uniquement, sincèrement, entièrement. Elle y puisa du réconfort et, ce faisant, parvint à lui rendre son sourire. Même si elle détestait l’idée qu’il soit au courant de sa condition, Erin savait que les choses seraient plus faciles avec le soutien de son frère. Parce qu’il l’aimait.

Citation :

⊹ IV. BLOOD IS DEATH (VOTRE PARTIE) ⊹
pseudo/prénom : MoonOfBlood/Jessica. âge : vingt-deux. présence : régulière. où avez vous pris connaissance du forum ? vous allez rire, c'est un dhampir qui rentre dans un bar et qui... Ah vous la connaissez déjà ? Non ? Oh, la façon dont j'ai connu le forum. Vous allez rire, parce que c'était totalement pas calculé. Nazar me parlait vaguement d'un forum où il jouait un vampire, par curiosité je suis allée voir et j'ai reconnu FTA, que j'avais déjà exploré, sans trouver de coup de cœur ou d'illumination. Mais là, avec un peu d'aide, ça a fait tilt. avis/commentaires : le deisgn épuré, le codage classe, ça me plaît beaucoup et l'univers en lui-même est intéressant, j'ai hâte de voir les prochaines intrigues    avez vous lu la saga ? en aucun cas, malheureusement. Néanmoins, hier soir, j'ai regardé le film par curiosité (encore), donc ça m'a permit de mieux comprendre certaines choses en un sens. Même si je me doute que la saga est nettement mieux.