Assis à son bureau, occupé à consulter un dossier très important, Mark Dashkov ruminait. Ayant passé la plus grande partie de sa vie à la Cour le jour était, à ses yeux, fait pour dormir et non travailler mais le voilà se trouvant dans ses bureaux de Drovkoka à dix heures du matin. Il était actuellement d’une humeur massacrante mais urgence obligeait. Des Strigoïs avaient été repérés la nuit dernière près d’un centre de sources qu’il possédait à Manhattan et il avait dû se rendre au bureau dès son arrivée dans la ville. Informer les gardiens de la Cour, entrer en relation avec ceux sur place, contacter les témoins, récupérer leurs témoignages, les transférer, en recevoir, les lire, y répondre, signer des documents voilà de quoi avait été constituée sa matinée.

Heureusement tout était rentré en ordre. La horde de Strigoïs signalée s’avérait en fait n’être qu’un jeune Strigoï inexpérimenté que les gardiens traquèrent et éliminèrent sans difficulté. Deux heures de l’après-midi, en temps normal il se trouverait dans son lit à dormir paisiblement. Tout bonnement exténué il avait grand besoin d’une sieste et de sang. Il passerait au centre de sources avant de rentrer chez lui, c’était sur le chemin il ferait ainsi d’une pierre deux coups. Il appela Claire, sa secrétaire pour lui demander s’il avait encore des choses à faire et si ce n’était pas le cas la prévenir qu’il s’en allait. « Oh et bien puisque vous en parlez Monsieur, une jeune femme vient de se présenter à l’accueil avec une requête un peu singulière. Elle aimerait trouver des Moroïs ayant des revenus modestes. Qu’est-ce que j’en fais ? » Des Moroïs aux revenus modestes ? C’était en effet une requête pour le moins banale. Peut-être que cette personne cherchait du personnel de maison ou quelque chose du genre. Quoi que cette personne ne serait pas venue ici si c’était le cas, la Dashkov’s Inc. avait une agence pour cela à Drovkoka. Mark de nature très curieuse en fut intrigué. « Envoyez-la-moi. » « M… Mais Monsieur ? Vous en êtes sûrs ? Vous vouliez rentrer, je peux m’en charger. » « Oui Claire j’en suis sûr, faites la rentrer. » et il raccrocha le combiné peu courtoisement avant que sa secrétaire ne se confonde encore plus en protestations. Claire s’inquiétait trop pour lui, mais il appréciait secrètement de se faire légèrement materner. Il espérait que cette entrevue surprise serait intéressante ou, à défaut, au moins courte.

On toqua doucement à la porte. « Entrez ! » tonna la voix du jeune PDG tandis qu’il appréciait la politesse du geste. Une jeune femme blonde, grande et élancée fit son entrée dans son bureau et il se leva pour aller l’accueillir. Reboutonnant sa veste afin d’être présentable il attendit qu’elle referma la porte pour lui tendre une main ferme mais chaleureuse. « Pardonnez-moi de vous déranger, mais on m'a dit de venir ici pour ma requête. Je me nomme Sofia Liddell. Enchantée de vous rencontrer, Monsieur Dashkov. » lança sa charmante voix alors qu’elle affichait un sourire poli. « Tout le plaisir est pour moi Mademoiselle Liddell. J’aimerais être dérangé de la sorte plus souvent. Je reçois rarement de personnes aussi charmantes que vous. » lui répondit-il en adoptant un sourire de circonstance. Il chercha mentalement s’il connaissait quelqu’un du nom de Liddell, en vain. Ce n’était donc ni une royale ni une personne possédant beaucoup de moyens. Elle n’avait pas l’air guindé des nobles, sans être toutefois dépourvue de manières et d’une certaine élégance. C’était sa façon de se mouvoir qui plut immédiatement à Mark. Comme si elle eut été gracieuse mais qu’elle essayait de le cacher et d’empêcher que ses gestes ne paraissent trop féminins et doux. Le mélange de grâce et de vigueur dont elle pourvoyait chacun de ses mouvements était saisissant. Mark retrouva aussi dans ses gestes cette économie d’espace propre à ceux qui connaissaient bien leur corps et étaient habitués à le mettre à rude épreuve, propre aux dhampirs. C’était pour le moins étrange et Mark bien entendu n’en fut que plus intéressé. « En quoi puis-je vous aider Mademoiselle Liddell ? Vous êtes donc à la recherche, je cite, « de Moroïs possédant peu de moyens ». Puis-je savoir pourquoi ? » lui demanda-t-il en l’invitant d’une main à prendre place dans le fauteuil face à son bureau.

La jeune femme s’exécuta après avoir examiné le bureau d’un bref regard. Elle était sur ses gardes, ce qui alluma une alarme dans l’esprit du PDG. Elle ne répondit pas tout de suite à sa question, l’agaçant un peu. A la place elle l’observa d’un regard perçant, le jaugeant éhontément, prenant en main le rythme et la direction de leur conversation. Ce fut accueilli par Mark d’un sentiment mi-figue mi raisin. Il aimait les femmes fortes et ayant du caractère mais il n’aimait pas que ce soit à ses dépends. Le mutisme de Mademoiselle Liddell lui faisait perdre un temps précieux. Elle dut finir par parvenir à une décision avec elle-même et le juger digne de ce qu’elle avait à dire car elle croisa ses longues jambes graciles devant elle et rouvrit enfin la bouche. « Je vais aller droit au but. Sachez que le monde dans lequel nous vivons est injuste. Il y a d'un côté la royauté et les riches qui possèdent de nombreux gardiens et de l'autre des familles entières de Moroïs qui n'ont aucun gardien pour les protéger. En quoi une vie est plus importante qu'une autre simplement à cause d'un titre ou de l'argent? » termina-t-elle en retirant sa veste. Ô joie, une anarchiste ! C’était bien là sa veine légendaire qui se manifestait sournoisement une fois de plus. Mark s’était attendu à tout sauf à un tel discours et il eut du mal à conserver une expression neutre et un visage impassible. Las d’avance de la tournure que prenait la conversation il sentit qu’il allait sûrement en prendre pour son grade. Il entendit aussi un remue-ménage dans le bureau attenant au sien, où se trouvaient son gardien et des agents de sécurité. Ils devaient sûrement craindre que Sofia n’attaque Mark. Le devrait-il aussi ? Il ne voyait sur le visage de son interlocutrice que du calme et de la détermination teintée d’un soupçon d’indignation en accord avec ce qu’elle disait, aussi il ne pensait pas que l’attaquer fut dans ses plans. Et puis par tous les saints ! C’était une femme moroï voyons ! Il doutait même qu’elle soit capable de faire du mal à une mouche. Quelque peu blessé dans sa fierté par le peu d’estime de ses capacités de combat de la part de son service de sécurité, sa mauvaise humeur ne fit qu’empirer et il darda un regard assassin sur Sofia. Le jeune homme le remplaça néanmoins par un moins agressif, elle n’avait jusqu’à présent rien fait pour mériter un tel regard aussi devait-il se montrer aussi courtois qu’il le pouvait. C’était toujours la même chose, les mêmes mots et arguments rabâchés avec le même ton vindicateur et accusateur. Est-ce que c’était juste ? Bien sûr que non, il avait beau être né avec le monde offert à lui sur un plateau en argent il n’était ni dupe ni égoïste. Mais est-ce que le fait que certains mangent plus qu’à leur faim tandis que d’autres en mourraient l’était ? A échelle différente c’était la même chose et il ne pensait pas Mademoiselle Liddell fervente militante d’action contre la faim. Loin des yeux loin du cœur ou autrement dit chacun sa merde.

A moins qu’elle ait une solution il n’avait pas plus de temps à lui accorder. Il vit toutefois qu’elle n’avait pas terminé sa tirade et lui fit signe de continuer d’un hochement de tête bref et sec. « Durant des années, je me suis entraînée. Autant dans l'utilisation de mon don qu'au niveau de mon endurance. Je me suis entraînée avec un dhampir qui m'a enseignée la base de ce que devait faire un gardien. Peut-être l'aurez-vous compris? Je cherche une famille ou même un seul Moroï à protéger. » Il remercia le ciel intérieurement d’être de si mauvaise humeur car c’était la seule chose qui l’avait retenu d’exploser de rire. Pour une surprise c’était une surprise, lui qui se targuait d’être un homme perspicace avait encore moins vu venir cette bombe que la précédente. Il passa le long de son index sur sa bouche afin de réprimer le sourire narquois qui ne manquerait pas de tarder. Le sentant poindre malgré sa diversion il passa nerveusement sa main sur sa barbe naissante, rassemblant ses pensées. Il avait donc affaire à un mercenaire, enfin une mercenaire. Cette précision teintait toute la situation d’une ironie risible. Il y avait cependant quelque chose dans le regard de Sofia qui le troubla profondément. Quelque chose de sombre, de froid, de déterminé, quelque chose de dangereux. Mark y perçut aussi une lueur qu’il ne connaissait que trop bien, celle du défi. Elle le mettait au défi de la prendre au sérieux et de ne pas l’envoyer balader comme toute personne dotée de bon sens devrait le faire. Pour son propre bien ainsi que celui des personnes dont elle voulait avoir la protection. « Je vais être franc avec vous Mademoiselle Liddell. Vos lubies, hobbies et autres passions suicidaires ne m’intéressent guère, de concert avec ce qu’il peut vous arriver. Je ne vais certainement pas risquer la réputation de mon entreprise pour vous aider à mettre fin à vos jours. Si vous voulez mon avis quant à votre projet, je pense que c’est tout à fait noble de votre part de vouloir jouer au gardien seulement je crains que vous ne réalisiez pas l’ampleur d’un tel rôle. J’imagine que vous n’avez jamais rencontré de Strigoï, sinon vous ne seriez pas actuellement assise dans ce fauteuil. Vous seriez soit morte, soit terrée de peur chez vous. Face à un tel monstre vous n’auriez pas la moindre chance, un homme Moroï dans la force de l’âge et en pleine possession de ses moyens n’en aurait pas l’ombre d’une alors allons bons regardez-vous. Vous êtes une femme tout à fait charmante mais vous restez une femme et les femmes de notre race sont connues et admirées pour bien des choses mais le combat n’en fait certainement pas partie. »

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AVEC MARK DASHKOV

   

La tension montait. Sofia attendait patiemment la réaction de cet homme face à sa déclaration. Elle pouvait voir sur ses lèvres l'apparition d'un sourire narquois. Prenant une grande inspiration pour se calmer, elle contrôla du mieux qu'elle pouvait son sang qui commençait à bouillir. Il allait probablement lui rire au nez, se moquer d'elle. Sauf qu'elle ne bougea pas. Son regard glacial le fixait avec un regard de défi. Un regard qui en disait long sur ses intentions : elle était déterminée à protéger d'autres Moroïs. Et elle redouta le pire lorsqu'il ouvrit sa bouche pour prendre la parole à son tour.

Silencieusement, elle écouta son beau discours. Il était clairement en train de la remettre à sa place. Un Moroï ne pouvait pas protéger d'autres Moroïs, c'était stupide. Surtout si ce Moroï en question était une femme. Voilà le résumé de ce discours pathétique et ennuyant. Un discours qui était la goutte faisant déborder le vase. Lentement, mais sûrement, Sofia se leva et le fixa de son regard remplit de colère. Elle déclara alors d'une voix forte, un vent venu de nul part soulevant légèrement sa chevelure de blé : « Vous vous croyez supérieur à moi simplement parce que je suis une femme?! Sachez, cher Dashkov, que je ne suis pas une frêle jeune fille qui pleure dans les jupons de sa mère. J'ai connu la misère et je serais prête à tout pour me battre et protéger d'autres Moroïs! Surtout si ce sont des êtres qui me sont chers! Vous n'arrivez pas à me prendre au sérieux? Alors, apprenez vos leçons. » Sa voix était plus froide que la glace et plus tranchante que l'acier. Elle en avait marre que tous les membres de la royauté la rabaisse et lui marche sur les pieds. Sofia leva alors un bras dans la direction du Dashkov alors qu'elle observa sa gorge. Ses doigts se refermèrent petit à petit. De ce geste, elle retirait l'air qui se trouvait dans les poumons de l'homme d'affaire. Le tuer? Non, ce n'était pas son intention. Seulement lui prouver qu'il ne devait pas la prendre à la légère. Ne voulant pas qu'il tombe dans l'inconscience, Sofia rouvrit sa main et l'air put de nouveau circuler dans ses poumons.

La jeune femme tourna les talons et attrapa sa veste pour l'enfiler. C'était une véritable perte de temps. Elle passa une main dans ses cheveux avant de soupirer.  « Je n'aurais jamais dû venir ici. Ce fut une vraie perte de temps que de parler avec vous. J'aurais dû me douter que vous ne comprendriez pas. » Sofia se retourna à demi vers lui pour voir l'expression de son visage. Un petit sourire fit son apparition. Elle était fière de son coup, elle devait bien l'avouer. Quand elle se retourna vers la porte, cependant, elle vit qu'un homme lui barrait la route. Vue la manière dont il se tenait et la manière dont il était habillé, il devait certainement être le gardien du Moroï derrière elle. Qu'est-ce qui allait se passer maintenant? Ils allaient l'enfermer pour avoir "tenter" de tuer un membre de la royauté? Dans quel plat s'était-elle donc mis les pieds?!  « Que faisons-nous maintenant? Vous allez m'enfermer? Ou vous allez me laisser partir tranquillement et faire comme si de rien n'était? » Coincée entre deux hommes, elle ne savait plus quoi faire maintenant. Elle observa le gardien attentivement. Un petit coup de vent lui permettrait de passer par la porte, mais en ce qui concernait le Moroï... Elle tourna sa tête dans la direction du jeune PDG. Elle ne connaissait pas son don. Sauf qu'elle était certaine qu'il ne ferait rien contre elle. Après tout, les membres de la royauté tiennent aux traditions. Jamais il n'utilisera son don contre elle, n'est-ce pas?

   

EKKINOX

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Sofia se leva lentement, furieuse. Mark quant à lui resta assis, lui faisant comprendre que lui et lui seul décidait si l’entretien était terminé ou non. En l’occurrence il ne l’était pas. Apparemment elle n’en avait pas finit non plus car elle cria presque « Vous vous croyez supérieur à moi simplement parce que je suis une femme?! Sachez, cher Dashkov, que je ne suis pas une frêle jeune fille qui pleure dans les jupons de sa mère. J'ai connu la misère et je serais prête à tout pour me battre et protéger d'autres Moroïs! Surtout si ce sont des êtres qui me sont chers! Vous n'arrivez pas à me prendre au sérieux? Alors, apprenez vos leçons. » alors qu’une brise passa dans ses cheveux sans qu’aucune fenêtre ne soit-ouverte. Mark comprit que Sofia maîtrisait l’élément air mais plus important qu’elle était impulsive et ne se maîtrisait pas. Comme une enfant, voyant que son caprice n’avait pas marché, elle s’énervait et tapait du pied sur le sol. Mark leva les yeux au ciel et soupira fortement. « Non Mademoiselle Liddell je ne me pense pas supérieur à vous, simplement plus réaliste mais certainement moins fou et vaniteux. Je vois bien que vous avez du caractère et je ne doute pas que vos antécédents, quels qu’ils soient, vous auront aidé à vous le forger néanmoins cela ne fait aucune différence. Je doute fortement que votre grande gueule ne vous sauve la vie face au danger, au contraire. » Réponse qui ne sembla pas la satisfaire car Sofia leva une main ouverte vers Mark qu’elle contracta petit à petit en même temps qu’il sentait l’air lui faire manquer. Heureusement, elle cessa son petit numéro de force avant que cela ne devienne dangereux. Elle l’avait surpris, il n’aurait pas pensé une seule seconde qu’elle l’attaque de la sorte. Quelle espèce de sauvage était-elle donc ?! Ce n’était certainement pas la réaction d’une personne raisonnée. Cette femme était un danger, non pour les Strigoïs, mais pour la société et c’était d’autant plus dérangeant.  

Alors qu’il reprenait ses esprits elle se dirigeait vers la porte, emportant au passage sa veste qu’elle revêtit. « Je n'aurais jamais dû venir ici. Ce fut une vraie perte de temps que de parler avec vous. J'aurais dû me douter que vous ne comprendriez pas. » Elle se retourna vers Mark un sourire fier sur le visage pour voir sa réaction. Mais ce qu’elle n’avait pas prévu était qu’Anton, son gardien, ne l’empêche de prendre la fuite, bloquant la porte. Oh elle avait raison, elle n’aurait jamais dû venir ici. Pour qui se prenait-elle ? Il avait la courtoisie de l’accueillir dans son bureau alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui pour se reposer et ce malgré son étrange requête, il avait écouté ce qu’elle avait à dire, il lui avait répondu poliment sans hausser le ton, sans l’insulter et sans lui manquer de respect et elle le remerciait en l’attaquant. Mark voyait rouge, il était hors de lui. Il fulminait tellement de rage qu’il en tremblait. Contractant les poings et carrant la mâchoire il tenta de se calmer en vain malgré le regard apaisant et compréhensif que lui jetait Anton. Bien trop aveuglé par la colère pour laisser Sofia s’en tirer comme cela, il fallait que quelqu’un ne lui remette la tête sur les épaules. Elle devait à ce moment se sentir si puissante, penser qu’elle l’avait impressionné et qu’il n’oserait pas répliquer. C’était faux, elle avait prouvé son ignorance en matière de Strigoï. « Que faisons-nous maintenant? Vous allez m'enfermer? Ou vous allez me laisser partir tranquillement et faire comme si de rien n'était? » Impassible, dangereux,  un sourire carnassier plaqué sur le visage, un regard devenu aussi sombre que le Styx, c’est la voix froide d’un homme radicalement différent de celui qui l’avait accueillie qui lui répondit. « Je n’ai pas encore décidé de ce que j’allais faire de vous Mademoiselle Liddell. Je ne pense cependant pas vous avoir donné l’autorisation de mettre fin à notre discussion. Je vous saurais donc gré de revenir. » Et comme les mots ne suffiraient certainement pas à la convaincre, une corde de feu s’enroula autour Sofia sans toutefois la toucher, de la tête au pied elle s’élargissait au niveau des yeux, l’empêchant de voir. « Ce n’est pas un feu indolore. Je vous conseillerai donc de faire ce que je dis.» la prévient-il. Confirmant ses dires, Sofia tenta de s’en libérer et le tissu de sa veste brûla sur certaines parties. « Mark … » commença Anton. « Je sais ce que je fais. » L’intervention de son ami bien que brève avait servit à le calmer et lui avait même donné une idée. Il ne comptait pas faire du mal à la jeune femme, seulement la secouer un peu et lui faire comprendre certaines choses. Il attendit qu’elle soit assise pour continuer. « Mademoiselle Liddell, il me semble que vous soyez celle à qui certaines leçons font cruellement défaut. Je suis toute ouïe, comment comptez-vous venir à bout d’un Strigoï ? »

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AVEC MARK DASHKOV

   

L'entretien était loin d'être terminé. Sofia sentit soudainement une chaleur autour d'elle. C'est alors qu'elle aperçut la corde de feu qui s'enroulait autour de son corps sans toutefois la toucher. Elle écarquilla les yeux. Comment se faisait-il qu'un noble utilise son don?! Les membres de la royauté sont censés être ceux qui respectent le plus les traditions, non? Alors, pourquoi? Pourquoi lui il l'utilisait? Ne comprenant plus rien, la jeune femme essaya de se libérer des flammes. Cependant, comme l'avait prévenue le Dashkov, les flammes n'étaient pas indolores et, à son plus grand malheur, sa seule veste pour le printemps était brûlée à plusieurs endroits. Elle fut donc forcée à se déplacer vers le fauteuil et à s'asseoir. Elle ne bougea pas, encore un peu sous le choc du moment. C'est alors qu'il posa LA question : comment allait-elle faire pour tuer un Strigoî? Premièrement, son don n'était pas celui du feu, elle ne pouvait donc pas les faire flamber. Deuxièmement, elle était loin d'être aussi agile et forte que les gardiens et ne possédait pas de pieux en argent. Sofia dévia le regard, fixant le sol. Il avait raison... Elle était incapable d'éliminer un Strigoî. Elle pourrait ralentir leur course pour protéger les autres Moroïs, mais elle serait celle qui se ferait tuer en premier.  « Vous avez raison, je ne sais pas comment tuer un Strigoï. En fait, oui, je le sais, mais je suis dans l'impossibilité de le faire. Je ne maîtrise pas le feu comme vous et je ne possède pas l'agilité des gardiens. Je serai seulement capable de les ralentir.. » Pour la première fois de sa vie, elle qui était têtue comme une mule, elle venait de donner raison à quelqu'un d'autre. À un Moroî royal en plus!

Sofia était loin d'être bête, seulement suicidaire. Elle leva alors la tête pour regarder l'homme devant elle. Quelque chose dans l'attitude de Sofia avait changé. Son regard était plus doux, voir même triste. Même sa façon de bouger avait changé. Elle ressemblait plus à une Moroï qu'à une gardienne à l'heure actuelle. « Nous pouvons tous faire des choix, mais pour des gens pauvres comme nous, nous ne pouvons pas toujours... Mes parents n'avaient pas d'argent pour me payer des études après l'académie et je le savais... J'ai pris la décision de devenir mercenaire, car je n'en avais pas vraiment le choix. Même encore aujourd'hui, j'ai de la misère à payer mon loyer avec mon boulot. » Autrement dit, elle venait un peu de se confier à lui. Elle avait réussi à se calmer et ne risquait donc pas de l'attaquer une seconde fois. Du moins, elle ne fera pas cette erreur une deuxième fois. Elle n'avait pas envie que sa veste soit encore plus trouée qu'elle ne l'est déjà. Sofia poussa un long soupire et regarda par la fenêtre le ciel. Un oiseau s'envola. Les oiseaux... Eux, ils étaient libres. Ils pouvaient voler librement dans le ciel et voyager. Tandis que elle, à cause de ce qu'elle était, elle était obligée de vivre dans la peur.

La jeune femme passa une main sur sa nuque et dévia le regard. Elle ne se rendit compte qu'à cet instant quelque chose... Depuis le début, il n'avait jamais été réellement prétentieux avec elle. Au contraire, il avait été courtois, poli et l'avait écoutée. La seule chose qu'il semblait faire en ce moment, c'était soit de la protéger, soit protéger la société Moroï. Sofia trouvait que la deuxième possibilité était plus probable. Un Moroï royal ne voudrait jamais protéger une femme pauvre comme elle après tout. Des gens comme elle n'étaient que des déchets, car ils ne possédaient pas d'argent. Déchet, vermine, idiote... Combien de fois les nobles et les riches l'avaient insultée en la traitant de tous les noms possibles? Son coeur était blessé. Ça lui faisait mal de le reconnaître, mais... « Il est différent... » murmura-t-elle pour elle-même. Sofia se leva alors de son fauteuil. Non, elle ne voulait pas l'attaquer une nouvelle fois, loin de là. Elle s'inclina devant lui, le buste pencher vers l'avant. « Je vous demande... pardon... Vous devez croire que je ne suis qu'une enfant gâtée... Surtout après la façon dont je vous ai traité. Je dois le reconnaître...  Je... Vous avez était courtois avec moi alors que je vous ai attaqué. Je n'aurais jamais dû agir de la sorte, mais... il est trop tard pour revenir en arrière. Je vous pris de m'excuser pour ma conduite... » Elle se redressa, mais n'osa pas le regarder. Elle qui était orgueilleuse venait tout juste de reconnaître ses torts. Même dans sa voix, alors qu'elle lui demandait pardon, cela se voyait que c'était difficile, mais sincère. Sofia avait posé sa main droite sur son autre bras qui restait le long de son corps. Elle se faisait toute petite, comme à son habitude à cause de son entraînement. Ses mains étaient loin d'être aussi douces que le seraient celles d'une autre Moroï. Sans le regarder, elle lui demanda : « Qu'allez-vous faire de moi, maintenant? » Debout devant lui, Sofia n'avait aucune idée de ce qui l'attendait maintenant. Elle lui avait demandé pardon et avait reconnu ses torts. Simplement parce qu'il était différent, ou plutôt semblait différent, elle agissait autrement. Elle était observatrice et était loin d'une idiote. Durant tout le long de leur discussion, elle avait observé ses faits et gestes. Oui, ils n'étaient pas comme eux...

   

EKKINOX

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«Vous avez raison, je ne sais pas comment tuer un Strigoï. En fait, oui, je le sais, mais je suis dans l'impossibilité de le faire. Je ne maîtrise pas le feu comme vous et je ne possède pas l'agilité des gardiens. Je serai seulement capable de les ralentir.» admit-elle. Mark fut surpris de ce soudain revirement de situation mais il fit attention à ce que ça n’apparaisse pas sur son visage toujours aussi fermé. Il s’attendait à d’avantage de protestations voire même à ce qu’elle l’attaque encore une fois mais fut soulagé que la jeune femme se soit calmée. Contrairement à ce que l’on pouvait penser de lui il n’aimait pas le conflit. «La nature de mon don ne me donne pas la possibilité de tuer directement un Strigoï vous savez. J’admets qu’il représente un avantage certain en comparaison à d’autres éléments mais faire rôtir un Strigoï demande bien plus d’énergie que ce qu’un corps Moroï est capable de fournir.» lui répondit-il la bouche pincée en une ligne dure, vaguement agacé par sa propre faiblesse. Elle finit par reporter son regard sur lui et le PDG y décela quelque chose qui lui fit de la peine et doucha les dernières traces de colère qu’il sentait à l’égard de Sofia. Elle savait que c’était dangereux, elle savait que ce métier finirait par la tuer, elle savait qu’elle n’était pas génétiquement faite pour cela mais ça semblait plus fort qu’elle. L’altruisme qu’une telle volonté représentait lui fit ressentir de la sympathie pour elle. Elle n’était pas mauvaise, ni une hystérique c’était seulement une femme fatiguée de ne jamais être écoutée. Mark avait connu ça, ceux qui croyaient en lui et en sa réussite quand il avait lancé son entreprise se comptaient sur les doigts d’une main. «Nous pouvons tous faire des choix, mais pour des gens pauvres comme nous, nous ne pouvons pas toujours... Mes parents n'avaient pas d'argent pour me payer des études après l'académie et je le savais... J'ai pris la décision de devenir mercenaire, car je n'en avais pas vraiment le choix. Même encore aujourd'hui, j'ai de la misère à payer mon loyer avec mon boulot.» avoua-t-elle avant de soupirer et tourner son visage vers une baie vitrée. Elle devait être gênée car elle évitait de le regarder. Cela ne dérangea pas Mark qui était habitué de susciter ce genre de réaction. Il ne savait pas quoi répondre à ça et ne voulait pas lui faire l’affront de lui dire qu’il comprenait et qu’il savait ce que c’était parce que c’était faux. Il avait aussi peur qu’elle pense qu’il avait pitié d’elle car ce n’était pas le cas. Il la pensait suffisamment forte et fière pour ne pas supporter d’être prise en pitié. Elle ne semblait de toute façon pas attendre de réponse, elle lui expliquait juste que c’était comme ça pour elle et qu’elle l’acceptait. Il n’en était cependant pas moins triste pour elle et cet aveu renforça l’élan de sympathie qu’il avait ressenti plus tôt. Sofia Liddell était quelqu’un de bien. Elle n’avait pas eu de chance dans la vie mais elle se battait tant bien que mal pour tenter de trouver sa place dans un monde où l’importance de quelqu’un se mesure en fonction de son compte en banque et Mark trouvait ça admirable.

Quelle ne fut pas sa surprise quand la jeune femme se leva pour s’incliner devant lui en lui présentant des excuses ! «Je vous demande... pardon... Vous devez croire que je ne suis qu'une enfant gâtée... Surtout après la façon dont je vous ai traité. Je dois le reconnaître... Je... Vous avez était courtois avec moi alors que je vous ai attaqué. Je n'aurais jamais dû agir de la sorte, mais... il est trop tard pour revenir en arrière. Je vous pris de m'excuser pour ma conduite...» Par réflexe il se leva brusquement en se cognant contre son bureau, sa bonne éducation reprenant le dessus avec son changement d’humeur. Il voyait bien que cela lui coûtait de s’excuser ainsi et il la comprenait totalement. Il ne pensait pas être un jour capable de faire preuve d’autant d’humilité qu’elle à cet instant. «J’accepte vos excuses. Bien entendu.» lui répondit-il, mal à l'aise en passant une main dans ses cheveux, une fois qu’elle était relevée, fuyant toujours son regard. Après un moment gênant de silence il ajouta, un peu plus bas car une note honteuse alourdissait sa voix, mais de façon suffisamment audible pour qu’elle entende «J’espère que vous pourrez aussi accepter les miennes. Je n’aurais pas du m’emporter. Je vous rembourserai votre veste.» Elle ne le regardait toujours pas mais finit par lui demander «Qu'allez-vous faire de moi, maintenant?» Il n’en savait trop rien. Enfin il avait bien une idée mais il savait qu’elle ne plairait pas à Anton, il n’était même pas sûr qu’elle accepterait. Il se rassit et l’invita à l’imiter. Tout en lui répondant il consulta rapidement son ordinateur pour trouver des renseignements sur elle, famille, travail, habitation, études, tout ce dont il avait besoin pour s’assurer qu’elle n’était pas louche mais aussi pour mieux la connaître. «Eh bien j’imagine que je vais vous aider.» lui dit-il en détachant brièvement son regard de l’écran pour lui adresser un sourire franc. «A certaines conditions bien entendu.» Il éteignit l’ordinateur, sortit un calepin d’un tiroir et tira un stylo à plume de la poche interne de sa veste. «Nous allons passer un contrat si cela ne vous dérange pas. Nous listerons les clauses principales ici.» indiqua-t-il en tapotant le calepin. «Une de mes conditions est que vous vous entrainiez avec mon gardien au moins trois fois par semaine. Cela comprendra un entraînement physique ainsi qu’un entraînement à l’usage offensif de votre don. Mais Anton en profitera aussi pour combler vos lacunes théoriques en matière de Strigoïs, protection rapprochée de Moroïs ou autre.» annonça-t-il en prenant en note ce qu’il disait sur le papier. «Vous utiliserez la salle d’entraînement de mon duplex du centre ville. Si vous le désirez un chauffeur viendra vous chercher chez vous pour vous y emmener.» Il continua ainsi sa liste qui comprenait le fait que l’entraînement durerait aussi longtemps qu’Anton le jugerait nécessaire et que seulement au terme de cela Mark contacterait des personnes que Sofia pourrait protéger, ainsi qu’une clause de confidentialité qui empêcherait Sofia de parler à qui que ce soit du fait que Mark sache utiliser la magie offensive et qu’il s’entraîne au combat avec son gardien, une autre clause de confidentialité qui l’empêcherait d’évoquer de l’implication de la Dashkov’s Inc. dans leur collaboration et d’autres détails moins importants. «Bien entendu j’ai conscience qu’être occupée à vous entraîner trois fois par semaine sera un handicap pour votre vie professionnelle. Aussi vous recevrez une compensation financière. C’est tout. Avez-vous des réclamations ou souhaitez-vous négocier certaines clauses du contrat ?»

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AVEC MARK DASHKOV

   

S'incliner et s'excuser... C'était un coup dur pour l'orgueil, mais elle le devait bien. Pour une raison qui lui était inconnu, Sofia trouvait que ce Moroï n'était pas comme les autres. Peut-être parce qu'il avait utilisé son don contre elle? À moins que cela ne soit sa façon d'agir envers elle? Elle ne comprenait pas vraiment encore ce qui l'avait poussé à faire ce geste, mais ce fut plus fort qu'elle. Elle ne souhaitait pas qu'il lui en veuille pour le restant de ses jours. Elle voulait tout simplement trouver quelqu'un qui pourrait l'aider d'une manière ou d'une autre. Ce sentiment qui l'envahissait, cette petite voix dans sa tête qui lui disait qu'il n'était pas comme les autres avait raison. Debout devant lui, n'osant pas le regarder, Mark Dashkov, un Moroï royal venait de s'excuser. La jeune femme pouvait entendre une pointe de honte dans sa voix. Il s'en voulait réellement? Il était si intriguant... Sofia lui demanda alors ce qu'il allait faire d'elle maintenant. Elle s'était excusé après avoir reconnu ses torts. Il n'y avait plus rien à faire, non? Comme il venait de s'asseoir, Sofia en fit de même, curieuse. Pourquoi l'invitait-il à s'asseoir? Ne me dites pas qu'il va...! pensa-t-elle.

Les paroles qu'il prononça la figea sur place. Elle plongea son regard dans le sien, les yeux écarquillés. Il allait vraiment l'aider! Sérieusement?! Elle n'en croyait pas ses oreilles... Lui qui avait refusé de l'aider, maintenant, il changeait d'idées. « Seuls les fous ne changent pas d'idées... » murmura-t-elle plus pour elle-même que pour Mark. Bien entendu, il l'aiderait seulement sous certaines conditions. Il se mit alors à toutes les énumérer et à les écrire sur un calepin. S'entraîner avec... son gardien? Son coeur manqua un battement. Par réflexe, Sofia se retourna à demi vers son nouveau professeur et le regarda de la tête aux pieds. Elle espérait seulement qu'elle allait bien s'entendre avec lui. Surtout si elle devait s'entraîner trois fois par semaine dans le duplex du Dashkov. Il y en avait des conditions, mais elles étaient moins pire qu'elle ne l'imaginait. Sofia l'écouta attentivement. Puis, quand il eut terminé, elle fit une petite remarque sur l'histoire du chauffeur. « J'accepte volontiers de m'entraîner avec votre gardien et j'accepte toutes les conditions, mais je n'ai pas besoin d'un chauffeur. J'ai mes propres moyens pour me déplacer. Merci tout de même pour la proposition. » Était-ce par orgueil qu'elle avait refusé? Peut-être un peu. En fait, elle pouvait très bien s'y rendre à pied, à vélo ou en prenant le bus.

Elle ne savait pas où toute cette histoire allait la mener, mais si elle pouvait trouver un Moroï à protéger après cet entraînement... Cela en valait le coup. Elle espérait seulement que tout irait bien et que Anton ne serait pas trop gentil avec elle. La jeune femme se doutait bien qu'il avait été éduqué afin de protéger les Moroïs et non pour les entraîner. Sofia reporta son regard sur le PDG en face d'elle et lui fit son plus beau sourire. « Je ne sais pas quoi dire... Vraiment. Je ne m'attendais pas du tout à ce que vous m'aidiez... Et là...  C'est... » Elle cherchait ses mots. À vrai dire, elle ne savait pas vraiment quoi dire face à cela. Elle prit une grande inspiration et le regarda droit dans les yeux. « Je vais être franche avec vous. Vous êtes différent des autres Moroïs royaux que je connais. Il y a quelque chose en vous qui fait que vous êtes différent... Je ne sais pas quoi, mais je compte bien le découvrir. »

Sofia se leva. Il était temps pour elle de partir. Elle observa sa veste quelque peu brûlée. Ah la la... Et dire qu'elle n'en avait pas d'autres. Heureusement qu'il lui avait dit qu'il allait lui en offrir une autre. « Quand vous allez acheter ma veste, prenez une medium, » dit-elle en lui faisant un clin d'oeil. Elle tourna les talons et se dirigea vers la porte, l'ouvrant. Elle s'arrêta dans son élan, laissant la porte entrouverte un instant. Sofia semblait réfléchir, mais cela ne semblait pas très important. Elle l'ouvrit complètement pour se glisser dans le couloir. « Je ne vous dérangerai pas plus longtemps... Merci encore pour tout. » Elle le regarda un instant, un sourire sincère illuminant son visage. Après avoir incliné légèrement la tête, elle referma la porte afin de rentrer chez elle. Il était plus que temps qu'elle rentre si elle ne voulait pas arriver en retard au travail. Le temps s'était écoulé bien plus vite qu'elle ne le pensait.

   

© EKKINOX

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